
Alexandre CAPAN
Peintures - 2013 - 2024

Peintures
2013
Le travail de peinture est inextricablement lié à la pratique de la photographie, du dessin et de la vidéo et en constitue, même si l’on peut dire, la base vers laquelle tous les autres médiums tendent. Les différentes séries qui jalonnent les dernières années de production sont donc issues de glissements - souvent formels, d’autres fois purement instinctifs entre ces différentes pratiques.
Comme pour le dessin, le travail de peinture d’Alexandre Capan, est essentiellement constitué de séries plus ou moins autonomes qui, si elles connaissent une logique interne propre, n'obéissent à aucun programme formel strict mis à part un recentrement quasi général sur le noir et blanc et sur la couleur grise, couleur qui traverse en fin de compte toute son oeuvre peint ou dessiné ainsi que ses vidéos et photographies et qui devient peu à peu une évidence dans la manière d’aborder la peinture.
Souvenir des reproductions de peintures ou de photographies de paysages en noir et blanc dans certains livres d’art ou d’histoire, l’image y perd en fait tout lien avec la réalité.
Dimension restrictive du gris qui porte l’image au seuil de l’illisibilité. Banalisation de l’image grise quelque part.
Privation de contradictions, d’opinions, le gris et toutes ses nuances du blanc au noir évoquent le néant et tous les possibles. Il met en lumière un rapport à la réalité comme en suspens, légèrement déconnecté de ce qu’elle est sensée être.
Sortes de pause dans l’afflux d’images et dans le temps de la “vie quotidienne”, les toiles grises se veulent être des mises en suspens du temps dans un indéfini et un indéchiffrable flottant.
2018
A la réflexion sur le gris vient s'ajouter un travail sur la notion de flou héritée de l'attachement qui peut être porté à l'arrière plan ou au hors champs. Ces thèmes la étant déjà à la source de la série de dessins aux points des hypothèses.
Ces images floues sont constituées d'une surface fluide, traversée par un mouvement interne, un souffle chromatique sans contours. Ce que l’on perçoit est moins une image qu’un champ de forces, un espace où les couleurs s’infiltrent, se brouillent, se mêlent, sans jamais se fixer dans une forme stable.
Le processus d’estompage, geste lent et progressif, construit ici une temporalité dilatée, un temps pictural qui se donne comme une continuité atmosphérique, sans rupture ni articulation visible. La peinture devient passage, perception floue, trace d’un geste en glissement.
Ce geste d’estomper la matière picturale au fur et à mesure la fait passer de son état de couleur dense à celui d’un voile presque impalpable. C’est un geste paradoxal : peindre en effaçant, en diluant la netteté. Le tableau devient alors un espace d’infravision, où rien n’est vraiment dit, mais tout est suggéré. Ce n’est plus un tableau à regarder, c’est une surface à habiter et à traverser.
Ce rapport à l’indécision visuelle, à la transition permanente, évoque une atmosphère plus qu’une image, une expérience plus qu’une composition.
En refusant toute ligne, tout repère net, la représentation échappe à la forme et provoque le trouble, le passage, la vibration interne et pourrait se lire comme une tentative de peindre un état mental, une sensation qui n’a pas encore pris forme, un seuil d’apparition. Il ne s’agit pas ici de sacraliser la couleur ou d’évoquer l’infini, mais de laisser la peinture devenir un espace flottant.
Ces peintures ne cherchent pas à être lisibles ni à s’imposer comme objets. Elles s’effacent presque à mesure qu’on les regarde, retiennent le regard sans jamais le fixer. Une zone où les oppositions classiques (forme/informe, vide/plein, geste/image) s’annulent, s’équilibrent dans une ambiguïté active.
Une anti-figuration sensible, qui n’est pas contre la figuration mais au-delà d’elle, dans une zone de devenir pictural.
La peinture ne figure rien : elle est état de flux, de matière en tension, de silence pictural.