Alexandre CAPAN
Fugues - Stratégies de l’errance
Ôter son identité au signe, faire en sorte qu’il soit une simple crampe ponctuelle et soudaine de la main et qu’il trouve tout seul, grâce aux automatismes du corps traçant, sa responsabilité dans l’espace.
L’auto encensement de la surface commence à suivre un cours sans orientation, fait de densifications et de dilatations, qui sature par prolifération de soi tout l’espace, dans une séquence de signes qui ne suit d’autre ordre que celui qui évoque, par pure association d’idée, le cosmique
Le travail, je ne le vois que par morceaux et c’est la mesure de mon bras pendant que je le fais, et alors c’est la pensée qui conduit, et parfois elle s’écoule, comme s’écoule le travail, comme il poursuit son chemin… presque comme s’il s’agissait d’un fleuve.
Dadamaino
La pratique à laquelle s’astreint Alexandre Capan depuis le milieu des années 2000 rend compte d’une approche assez simple du travail artistique qui ne fait pas de distinction entre les différents médiums, du moins qui utilise de manière non hiérarchisée ceux-ci en adoptant le postulat de base selon lequel tout est peinture.
Ainsi des reproductions de photographies dessinées, des peintures ou dessins photographiés et scannés, de l’utilisation et de la manipulation de fragments issus de vidéos ou de photographies, ou de photographies rejoignant sur un plan formel les dessins ou les peintures.
Pour généraliser, on pourrait dire que ce qui transparaît dans ce travail par l’utilisation du presque rien et de ce qui est laissé pour compte, est une volonté de mise entre parenthèses du sens, de recherche dans le caractère flottant d’une certaine “réalité” et de laisser agir. Actions ou non actions étant marquées par la nuance et la vibration des matières.
Dans les différentes séries qui nous sont données à voir, c’est le caractère non définitif des formes et des procédés qui est à l’oeuvre. Les éléments s’articulent et s’imbriquent selon une approche générative du travail qui engendre un renouvellement des formes et des pratiques. Les échanges induits génèrent des influences réciproques qui construisent un paysage en suspens.
Le travail qui nous est montré pourrait s'inscrire à la suite de Gerhard Richter qui assume en 1966 sa fuite de toute détermination, son incohérence, son indifférence, son goût pour l’incertitude, l’infini et l’insécurité permanente et ceci en lien avec les thématiques de la non contradiction, de la sortie de tout paradigme et de la délicatesse évoqués par Roland Barthes dans ses cours sur le Neutre au Collège de France en 1975.
Par effets de glissements successifs, les oeuvres permettent au signe d'être pris comme une entité primaire dénuée de toute relation externe. Ainsi, dans différentes série récentes de dessins, à partir d’une forme de base (point, carré ou triangle), la juxtaposition des signes devient surface sans détermination préalable du résultat final.
L’oeuvre est lieu de sédimentation du temps, un lieu et un moment vibrant et oscillant entre apparition et disparition, entre construction et déconstruction.
Les peintures et dessins deviennent pure présence, comme simple écriture de l’esprit et du corps. Noyau d’un mouvement d’extension et de diffusion marquée par la temporalité et le hasard.
La main court sur le papier ou la toile et trace sans a priori, sans préméditation et sans désir autre que simplement tracer.
Énergie pure. Les oeuvres ne commencent et ne se terminent pas vraiment, évoluant dans un espace incertain et ambiguë, consistant et indistinct, voire informe.
La référence à une quelconque possibilité d’image n’est absolument pas ou plus justifiée à un stade où l’image atteint la possibilité d'acquérir sa propre logique interne, n’ayant d’autre sens qu’elle même.